
Observatoire des Migrations en Bretagne
Répertoire des travaux sur l'immigration étrangère en BretagnePrésentation | Bilan documentaire | Liens
Bilan Documentaire
Plus de documents que prévusLa connaissance empirique des institutions susceptibles de conserver des documents sur l'immigration en Bretagne nous invitait à estimer à une centaine le nombre des travaux. Or au terme de la recherche, c'est presque 200 documents qui ont été recensés, chiffre probablement en-deça de la réalité, dans la mesure où seules les principales villes bretonnes ont été retenues pour ce travail documentaire.
Un intérêt ancien pour l'immigration et une accélération récente
L'intérêt pour l'immigration apparaît réellement en Bretagne dès les années 1970-1980. Avant cette période, trois travaux ont été retrouvés, tous historiques (immigrations portugaise, anglaise et espagnole avant la seconde guerre mondiale). Le plus ancien d'entre eux date de 1958.
Sur les 194 documents recensés, 48 ont été réalisés au cours des années 1970 et 1980, 65 au cours des années 1990, et 77 pour les seules années 2000 à début 2006 (l'un est sans date). Avançons donc que l'intérêt pour cette question en Bretagne croît avec l'augmentation du nombre d'immigrés, même si elle avait depuis longtemps suscité un intérêt. Cependant, il ne faut pas négliger les effets, sur le recensement du nombre croissant des productions, d'une mise en place récente de certains centres de documentation ou l'absence d'archivage systématique des mémoires universitaires. D'autres raisons peuvent expliquer l'accroissement de l'intérêt pour l'immigration en Bretagne : la prégnance, depuis le milieu des années 1990, de questions sociales, telles que l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile et réfugiés, le regroupement familial, les mariages mixtes, la lutte contre les discrimination ainsi que la mise en place à partir de 2000, de nombreux dispositifs institutionnels mais aussi un attrait, spécifique en Bretagne semble-t-il, pour la culture de l'Autre. Or l'intérêt croissant pour ce type de questionnements est tout à fait perceptible dans notre recension. Alors que les sujets principaux des travaux des années 1970-1990 sont directement liés aux dimensions psychosociales de l'immigration (la moitié à l'adaptation et à l'identité, soit la moitié des mémoires), les années 2000 sont celles des préoccupations pour le dispositif d'accueil (42 % des mémoires portent sur l'accueil, les associations, l'école, la langue).
Un questionnement professionnel sur l'accueil, la santé et l'intégration scolaire
La manière de traiter l'immigration en Bretagne varie selon qu'il s'agit d'une approche professionnelle ou de travaux universitaires ou de recherche, et pour ces derniers, de la discipline concernée. Signalons aussi l'existence de six films documentaires sur ce sujet.
TABLEAU 1 - TYPES DE DOCUMENTS
Mémoires professionnels | Mémoires universitaires, recherche, dont | Autres, dont | |||
Travail social | 31 | Sociologie | 73 | Documentaires | 6 |
Professions de santé | 16 | Histoire | 17 | ||
Enseignants, pédagogues | 7 | Ethnologie | 13 | ||
Sciences politiques | 8 | ||||
TOTAL | 54 | TOTAL | 131 | TOTAL | 9 |
Sur 194 documents, 54 adoptent une posture professionnelle : 31 ont été réalisés dans le cadre d'une formation en travail social et animation (assistant de service social, conseiller en économie sociale et familiale, éducateur spécialisé, animateur socioculturel, direction d'établissement social), 16 dans le secteur de la santé (médecin, infirmier, sage-femme, psychiatre, psychologue) et 7 dans le domaine de la pédagogie et de l'école (professeur des écoles, des collèges, conseiller principal d'éducation).
Une préoccupation forte des "apprentis" travailleurs sociaux tourne autour de l'accueil et de l'hébergement des demandeurs d'asile. En effet, nombre d'entre eux ont passé quelques mois dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile en tant que stagiaires et, à partir de cette expérience, ont réalisé leur mémoire de fin d'étude dans lequel, le plus souvent, ils soulignent les contradictions entre la déontologie du travail social et les logiques étatiques en matière de maîtrise des flux migratoires. Moins que la "culture" et l'identité, ce sont les dispositifs et leur adéquation aux besoins des personnes qui constituent la base de la réflexion (avec une évolution dans les années 2000, comme on l'a dit). Les publics réfugiés et demandeurs d'asile constituent la moitié des productions des travailleurs sociaux.
Les professionnels de santé se penchent, eux, sur les pathologies des migrants, dans des perspectives diverses : épidémiologie des parasitoses des réfugiés d'Asie du Sud-est, spécificités obstétricales des accouchements de femmes asiatiques, hygiène buccale dans un foyer, santé mentale des réfugiés d'Amérique du Sud victimes de torture, etc. Quelques-uns sont consacrés à l'aspect culturel des pratiques corporelles. Ces travaux, en général, s'ancrent avec difficulté dans la réalité migratoire des personnes et se cantonnent souvent aux représentations et pratiques supposées être celles du pays d'origine, dans l'espoir de mieux prendre en charge ces patients.
Dans les travaux des futurs professeurs ou des conseillers d'éducation, l'accent est mis sur la langue, notamment sur les liens entre les compétences linguistiques en français et l'intégration scolaire des élèves non francophones.
Effet de contexte : la surreprésentation de la sociologie
Sur les 131 documents restants, 80 sont des travaux d'étudiants (licence, maîtrise, DEA, thèse de doctorat) et 51 des publications ou des rapports d'étude et actes de colloques. La sociologie constitue plus de la moitié des travaux universitaires et de recherche, suivie de l'histoire, l'ethnologie et les sciences politiques puis le droit, l'administration économique et sociale (AES) et les sciences de l'éducation, l'économie et la géographie. Revenons sur les trois principales disciplines représentées dans cette recension documentaire
La place importante qu'occupent la sociologie et sa discipline sœur, l'ethnologie (près de 70 % des ressources en recherche) est due à l'existence du Ceriem, le Centre d'étude et de recherche sur les relations interethniques et les minorités (département de sociologie, Université Rennes II) de 1984 à 2003 dont les travaux ont d'abord porté sur les réfugiés d'Asie du Sud-est et le dispositif national et régional de leur accueil puis ont été étendus à d'autres groupes et thématiques. En effet, une soixantaine de travaux (de la licence à la thèse) menés au sein de ce laboratoire s'inscrivent pour la plupart dans la perspective de la sociologie des relations interethniques. Le concept clé est celui de l'ethnicité, qui conjugue l'analyse de l'identité culturelle avec celle des rapports sociaux inégalitaires fondamentalement à l'œuvre dans la relation entre une minorité ethnique et la société française. L'accent est mis sur le rapport interethnique lui-même, comme structurant les identités, les statuts et influant sur les comportements et les relations sociales. Ainsi, l'ethnicité des immigrés est toujours analysée en relation avec la société d'accueil, en l'occurrence la société bretonne.
L'histoire de l'immigration en Bretagne est également développée, grâce à la présence de deux laboratoires fortement investis dans une histoire régionale, le Crhisco, Centre de recherches historiques sur les sociétés et cultures de l'Ouest européen (université Rennes II, associé au CNRS), et le CRBC, Centre de recherche bretonne et celtique (université de Bretagne occidentale, associé au CNRS). Signalons par ailleurs qu'un important travail de recensement des sources a été mené en Bretagne, entre 1995 et 1998, par l'association Génériques dans le cadre de l'Inventaire national des sources d'archives publiques et privées sur l'histoire des étrangers en France aux XIXe et XXe siècles. L'histoire et la mémoire de l'immigration en Bretagne, encore balbutiantes, seront poursuivies par l'Odris, RFSM et Génériques, en 2006-2007, dans le cadre du programme d'études du Fasild "Histoire et mémoire des immigrations en régions".
Les mémoires de fin d'étude de l'Institut d'études politiques de Rennes sur l'immigration sont apparus depuis 1996. Ils sont rédigés par des étudiants de quatrième année et s'inscrivent majoritairement dans une sociologie de l'intégration interrogeant la capacité interne des groupes immigrés à trouver leur place au sein de la société française, tant sur un plan culturel que socio-économique. Le contexte local est assez peu pris en compte dans ces études.
Les populations concernées
Comme l'indique le tableau ci-après, immigrés (au sens large de personnes nées étrangères à l'étranger et arrivée en France au cours de sa vie) et réfugiés-demandeurs d'asile sont les premières concernées par le répertoire avec respectivement 71 et 78 références (la distinction entre réfugiés et demandeurs d'asile n'apparaît clairement que dans les années 1990). Les 20 % restant de références s'intéressent spécifiquement à une population particulière comme les enfants, les femmes ou les descendants d'immigrés. Et, enfin, des travaux beaucoup plus rares, que l'on compte en unités seulement, ont pour objet les étudiants, les sans-papiers, les couples mixtes, les parents adoptants et les personnes âgées.
TABLEAU 2 - POPULATIONS CONCERNEES
Immigrés au sens large | 71 | Etudiants | 2 |
Réfugiés | 66 (*) | Sans papiers | 2 |
Demandeurs d'asile | 11 | Couples mixtes | 1 |
Enfants | 16 | Parents adoptants | 1 |
Descendants d'immigrés | 11 | Personnes âgées | 1 |
femmes | 11 | Divers | 1 |
TOTAL | 194 |
Les villes et départements étudiés
Comme on pouvait s'y attendre, l'Ille-et-Vilaine et Rennes en particulier, le département et la ville de Bretagne qui accueillent le plus d'étrangers sont, de très loin, les lieux principaux des études réalisés (128 documents répertoriés). Le Morbihan vient très loin derrière (22 références) puis le Finistère et les Côtes d'Armor.
TABLEAU 3 - LES LIEUX DES ETUDES
Ille-et-Vilaine | Rennes | 115 | Total | 128 |
Autre | 13 | |||
Morbihan | Vannes | 6 | Total | 21 |
Autre | 15 | |||
Bretagne | 22 | |||
Finistère | Brest | 6 | Total | 13 |
Autre | 7 | |||
Côtes d'Armor | Saint Brieuc | 2 | Total | 9 |
Autre | 7 | |||
Nantes | Total | 1 | ||
194 |
Grandes thématiques et richesse des sujets
Les thèmes des travaux présentent une diversité conditionnée toutefois, comme il a été montré ci-dessus, par le cadre disciplinaire de leur réalisation et le contexte sociopolitique global (voir le tableau ci-après).
TABLEAU 4 - THEMES ABORDES
Accueil | 31 | Statut juridique | 4 |
Adaptation | 27 | Religion | 3 |
Identité | 26 | Délinquance | 2 |
Histoire | 21 | Discrimination | 2 |
Santé | 16 | Logement | 2 |
Ecole | 15 | Représentation | 2 |
Langue | 9 | Général | 1 |
Travail | 8 | Acculturation | 1 |
Famille | 8 | Racisme | 1 |
Intégration | 8 | ||
Association | 7 | TOTAL | 194 |
Quelques thèmes principaux se dégagent néanmoins. En premier lieu, nous notons une forte interrogation des travaux sur les dispositifs institutionnels mis en œuvre dans le cadre juridique étatique des politiques de la ville, de l'intervention sociale ou encore des associations portant sur l'accueil des étrangers, immigrés, demandeurs d'asile, réfugiés, sur la citoyenneté et l'accès à la nationalité française. Une large place est également donnée à la problématique culturelle, qui porte sur les questions d'acculturation et d'adaptation, parfois traitées de façon globale (ethnographie des familles, par exemple) ou à travers des aspects particuliers (le travail, la socialisation, la langue, l'organisation collective) ou encore dans leurs rapports avec la société globale. Proche ou sous-jacentes à ces thèmes, une attention est portée également à l'identité et ses déclinaisons (genre, religion).
L'histoire de l'immigration en Bretagne (21 travaux) démarre ici au 19ème siècle, avec l'accueil d'exilés fuyant les troubles dans les pays voisins de la France (Polonais, Italiens, Espagnols, Portugais) ou l'arrivée de Britanniques. Les réfugiés Espagnols ont aussi inspiré les historiens, étudiants et chercheurs ou témoins, car plusieurs recherches leur sont consacrées. En revanche, un seul mémoire s'intéresse à l'immigration non européenne, en l'occurrence algérienne. Les analyses qui se dégagent sont clairement plus critiques que celles concernant les périodes récentes (est-ce l'effet distanciateur que crée le temps ?). Ainsi, les dispositifs d'Etat apparaissent comme des dispositifs de contrôle et de surveillance d'étrangers perçus comme suspects. Quant à la population, identique en cela à celle d'autres régions, elle partage également une certaine méfiance à l'égard des étrangers ; méfiance qui, malgré des élans de solidarité (souvent d'ordre politique) à l'égard des réfugiés espagnols notamment, est atténuée surtout par des intérêts pratiques (comme l'utilisation d'une main d'œuvre pendant la Seconde guerre mondiale).
Au-delà de ces grands thèmes, nous relevons, dans une moindre mesure - le nombre étant lui-même un indicateur des préoccupations régionales - quelques études sur l'école, la famille, la santé (voir plus haut), le logement, la religion des immigrés. L'école (15 documents) est un sujet traité autant par les sociologues que par les pédagogues. Les premiers sont plus attentifs aux phénomènes liés à la socialisation et à l'acculturation des enfants d'origine étrangère, et mettent en place des dispositifs d'enquête décrivant l'ambiance des classes et les interactions entre les différents acteurs. Tandis que les enseignants s'intéressent davantage aux processus d'intégration des élèves dans la classe ou, plus largement, dans l'ensemble du système scolaire. Si les enfants sont bien représentés, dans cet Observatoire, on constate au contraire la quasi-absence de travaux sur la vieillesse.
La famille (8 travaux) est surtout abordée par les sociologues, avec des approches variées (les couples mixtes, les parents adoptants, la parentalité et les pratiques familiales diverses).
Enfin, révélateurs des préoccupations sociales actuelles, les travaux les plus récents font émerger des questionnements sur le racisme et les discriminations. Ils restent encore peu nombreux mais bénéficient de l'impulsion de la Direction Régionale du Fasild qui commence à jouer un rôle d'initiateur en matière de travaux d'étude.
Nous invitons tous les acteurs concernés à se saisir de cet outil et à lui faire jouer pleinement son rôle d'outil de connaissance et de réflexion.